Une question inopinée : Êtes-vous à la bonne place 

« Parfois, au moment où vous vous y attendez le moins – même si vous en avez vraiment besoin –, vous vous retrouvez dans un nouvel endroit, avec de nouvelles personnes et vous y apprenez de nouvelles choses. »

John P. Strelecky

Le Why Café, best-seller de l’auteur américain John P. Strelecky, est un livre portant sur le développement personnel et ayant la particularité de se lire comme on lit un roman. C’est un écrit dans lequel, quoique d’ordres personnel et rétrospectif, l’auteur met l’accent sur la nécessité qui se présente à tout le monde de faire le point sur leurs vies ainsi que sur l’ensemble des circonstances qui y sont attachées. Comme quoi il nous parlerait à travers l’histoire d’un homme qui était lassé de vivre une vie monotone et qui voulait à tout prix tout changer. D’où son apparition inattendue dans un restaurant où ses rencontres vont l’amener à se poser des questions…

STRELECKY, John P. Le Why Café. 2003. Éditions Le Dauphin Blanc. (p. 140)

Osons lire dix pages avec Ambassadrice Chasta DOUCHARD 

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Pourquoi êtes-vous ici ?

Ça me semblait une bien étrange question à poser à un client d’un restaurant. Ne devrait-on pas déjà savoir pourquoi quelqu’un vient à son restaurant ? Les gens qui y viennent ne devraient-ils pas déjà savoir pourquoi ils choisissent ce restaurant ? Je n’étais pas certain de vraiment comprendre la question.

Pourquoi êtes-vous ici ?

Le retour de Casey à ma table me sortit de mes réflexions. 

« Êtes-vous prêt à commander ? », me demanda-t-elle. J’étais sur le point de répondre oui lorsque je me suis souvenu du message sur la couverture du menu et qui incitait le client à s’informer auprès du personnel sur le sens que pourrait avoir notre passage dans l’établissement.

« Je crois que oui », ai-je répondu. Puis, j’ai pointé le message et j’ai demandé : « De quoi devrais-je être informé au juste ? »

« Oh, ça ? », a-t-elle répondu en souriant de nouveau.

Je commençais vraiment à aimer sa façon de sourire.

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« Avec les années, nous avons remarqué que les gens étaient différents après avoir passé quelques instants ici, dit-elle. Alors, maintenant, nous essayons de leur faciliter l’apprentissage de l’expérience du pourquoi êtes-vous ici ? Nous leur parlons un peu de ce à quoi ils peuvent s’attendre, au cas où ils ne seraient pas tout à fait prêts à vivre l’expérience. »J’étais complètement confus. Je ne savais pas si l’on parlait alors de la nourriture, d’une évaluation du café de la part du client ou de quelque chose d’autre.

« Si vous préférez, dit-elle, je peux donner votre commande au cuisinier et lui demander son avis sur ce qui pourrait être le mieux. »

« Bien sûr », ai-je répondu, encore plus confus. « Enfin, je crois que oui. Je vais prendre l’assiette du petit-déjeuner. Je sais que ce n’est pas l’heure du petit-déjeuner, mais est-ce que je peux tout de même commander ce mets ? »

« C’est ce que vous voulez ? », demanda-t-elle. 

« Exactement. »

« Alors, je suis persuadée qu’il n’y aura pas de problème. Après tout, nous sommes plus près du petit-déjeuner de demain que du lunch d’aujourd’hui.»

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J’ai jeté un coup d’œil à ma montre. Il était 22 h 30. « C’est une façon intéressante de considérer la situation », lui ai-je fait remarquer.

Casey a souri. « Parfois, ça aide de considérer les choses sous une perspective différente. »

Elle a noté ma commande et est repartie. Je l’ai regardée marcher jusqu’à la cuisine. J’ai remarqué soudain qu’elle avait laissé le menu sur la table.

Comme Casey approchait du comptoir de commandes – une ouverture dans le mur qui donnait sur la cuisine – j’ai remarqué pour la première fois qu’un homme se tenait derrière. Il tenait une cuillère de bois dans une main et, de toute évidence, il était la personne responsable de la cuisine. Une fois au comptoir, Casey dit quelque chose à l’homme. Il m’a regardé. Comme je le regardais aussi, il m’a souri et m’a fait un signe de la main.

Je l’ai salué de la main à mon tour, tout en me sentant quelque peu ridicule. Je n’ai pas l’habitude de saluer de la main les cuisiniers dans les cafés. Casey et l’homme ont discuté quelques minutes, puis Casey a accroché ma commande au petit support circulaire et elle est revenue vers ma table.

L’homme a fait tourner le support jusqu’à ce que la commande soit devant lui. Il l’a regardée un instant puis l’a prise et l’a apportée dans la cuisine.

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Je me suis de nouveau concentré sur le verso du menu. Comme je relisais la première question – pourquoi êtes-vous ici? – Casey revint à ma table et s’assit sur la banquette devant moi.

« C’est Mike, dit-elle. Il est le propriétaire du café et il fait toute la cuisine lui-même. Il m’a dit qu’il viendrait vous voir dès qu’il le pourrait. Je lui ai parlé de votre commande. Il m’a dit que c’était vraiment une assiette gigantesque, mais que vous seriez sans doute capable de passer au travers. »

« C’est un style de service. »

« Nous pensons que oui », répondit-elle en souriant. « Pour en revenir à ça », dit-elle en pointant la couverture du menu où il y était inscrit de s’informer auprès du personnel sur le sens du séjour au café, « ça fait référence à la question que vous relisez depuis tout à l’heure au dos du menu. »

J’ignorais comment elle savait que je relisais cette question, mais je n’ai rien répondu.

« Vous voyez, dit-elle, c’est une chose de regarder la question. C’en est une autre de la modifier. »

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« Que voulez-vous dire ? »

« Ça peut sembler simpliste et on peut penser que ça n’a pas d’impact, continua-t-elle, mais si vous modifiez juste quelques lettres dans la question, ça change quelque chose. »

« Ça change quelque chose comme quoi ? Que je ne pourrai pas manger ici ou que je devrai commander autre chose ? »

« Non », dit-elle en devenant plus sérieuse. « Des changements plus importants. »

Je ne voyais vraiment pas où elle voulait en venir, mais de toute évidence, elle ne blaguait pas. « Je ne suis pas sûr de comprendre. »

Casey désigna de nouveau le menu du doigt. « Si vous modifiez la question de sorte qu’elle ne soit plus posée à quelqu’un d’autre, mais qu’elle s’adresse à vous, vous ne serez plus jamais la même personne. »

J’étais abasourdi. Plus jamais la même personne ? Qu’est-ce que ça voulait dire ? Soudainement, je me suis senti comme si je me tenais au bord d’une haute falaise. Et je n’étais pas certain si Casey m’expliquait qu’un pas dans une direction signifiait la mort immédiate ou le bonheur éternel.

« Ça ressemble à ça, mais un peu moins radical », dit-elle en souriant.

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Avant que je n’aie pu lui demander comment elle avait su ce que je pensais, elle a repris : « Laissez-moi vous montrer sans vous faire faire le pas. Lisez la question sur le menu, mais de façon détachée, comme si vous jetiez un œil à la une d’un quotidien. »

Je regardai le menu. À ma grande surprise, la question n’était plus pourquoi êtes-vous ici ? Elle était maintenant la suivante : pourquoi suis-je ici ? Mais dès que j’eus fini de la lire, la question redevint pourquoi êtes-vous ici ?

« Qu’est-ce qui s’est passé ? », dis-je tout étonné. « Est-ce que le menu a vraiment changé ? Comment avez-vous fait cela ? »

« John, je ne suis pas certaine que vous êtes prêt à entendre la réponse. »

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« Absolument ! C’était une question différente lorsque je l’ai lue puis la question est revenue comme elle était auparavant. Pourquoi ? Et comment cela s’est-il produit ? »

Casey a retourné le menu et a pointé le texte imprimé sur la couverture : Avant de commander…

« C’est ainsi, John, a-t-elle poursuivi. La question que vous avez vue, celle qui était différente… »

« Celle qui demandait pourquoi suis-je ici ? », interrompais-je.

« Oui, celle-là. Ce n’est pas une question à prendre à la légère. Y jeter un œil est une chose. Mais lorsque vous vous y attardez et que vous la voyez vraiment, et qu’en plus vous vous la posez à vous-même, alors votre monde change. Je sais que ça semble radical. C’est pour cette raison que nous avons mis le message sur la couverture du menu. »

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La situation dans laquelle je me trouvais me semblait des plus ridicules. J’étais dans un café, au milieu de la nuit, au milieu de nulle part, en train de discuter au sujet de messages imprimés sur les menus pour permettre aux clients de composer avec les changements dans leur vie. J’ignorais toutefois que ce n’était que le début de ce que la soirée me réservait.

« Vous voyez, reprit Casey, une fois que vous vous êtes posé la question, la quête de la réponse fera partie de vous et de votre vie. Vous vous surprendrez à vous éveiller le matin en pensant à la question, et elle vous reviendra en tête constamment durant la journée. Et même si vous pouvez peut-être ne pas vous en souvenir, vous y penserez aussi lorsque vous dormirez. C’est un peu comme une porte. Lorsque vous l’ouvrez, ce qu’il y a derrière vous attire. Et une fois que la porte est ouverte, il est très difficile de la refermer.» Je commençais à saisir que la question sur le menu  avait une signification plus profonde que je ne l’avais cru en la lisant la première fois. À entendre Casey en parler, je doutais maintenant que la question servait à savoir pourquoi les gens venaient au café.

« C’est exact », dit Casey en interrompant mes pensées. « La question ne concerne pas du tout le café. Elle demande aux gens pourquoi ils existent, tout simplement. »

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Je me calai dans la banquette, complètement ahuri. « Quelle sorte de place est-ce donc ici ? », ai-je demandé tout étonné.

J’ai regardé Casey. « Tout cela ne me dit rien de bon », lui ai-je dit tout en essayant de rassembler mes idées. « Si ce que vous avez dit au sujet des portes et des choses qui vous reviennent constamment à l’esprit chaque jour est vrai, je ne suis pas sûr de comprendre pourquoi quelqu’un se poserait cette question. Je ne me la suis jamais posée et je me porte bien. »

Casey déposa le menu sur la table. « Ah oui ? fit-elle. Vous êtes vraiment bien ? »

Elle avait dit le mot « bien » avec un brin de moquerie amicale, comme si elle me défiait de définir ce mot.  «Beaucoup de gens se portent bien. Mais certains cherchent à être plus que bien, ils cherchent à être épanouis. »

« Et alors, ils viennent au Why Café ? » demandais-je sarcastiquement.

« Quelques-uns le font », répondit-elle d’une voix calme et douce. « Est-ce pour cela que vous êtes ici ? »

Sa question m’a décontenancé. Je ne savais pas quoi y répondre. Je ne savais pas vraiment ce que je faisais là, pourquoi j’y étais. Je n’étais même pas sûr de comprendre quelle était cette place.

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Si j’avais été totalement honnête envers moi-même, j’aurais admis que, depuis des années, je me demande s’il n’y a pas plus dans la vie que ce que j’ai connu. Ce n’est pas que la vie avait été si difficile jusque-là. Bien sûr, j’avais connu des moments de frustration, surtout dernièrement, mais j’avais un emploi décent et de bons amis. La vie était bien, parfois même bonne. Pourtant, il y avait toujours, dans un recoin de mon esprit, un sentiment que je ne pouvais pas expliquer.

« Ce sentiment est la raison pour laquelle les gens se posent la question que vous avez vue », dit Casey.

J’étais sidéré. Pas seulement parce qu’elle semblait avoir lu dans mes pensées une fois de plus, mais aussi parce que je réalisais qu’elle pouvait avoir raison. J’ai décidé de mettre mes angoisses de côté pour quelques instants et j’ai voulu mieux comprendre ce que Casey cherchait à m’expliquer.

« Casey, pouvez-vous m’en dire davantage sur la question ?»

« Eh bien, comme je le disais, se poser la question ouvre une sorte de porte, un passage. L’esprit de la personne, ou son âme ou peu importe comment vous le nommez, voudra chercher la réponse. La question sera à l’avant-plan de l’existence de cette personne jusqu’à ce qu’elle trouve la réponse. »

« Est-ce que vous voulez dire qu’une fois qu’une personne se pose la question pourquoi suis-je ici ?, elle n’est plus capable de l’ignorer ? », demandai-je.« Non, ce n’est pas qu’elle ne pourra plus l’oublier. Certaines personnes y jettent un coup d’œil, parfois même la regardent vraiment, et puis l’oublient. Pour ceux qui se posent la question et qui, à un niveau ou à un autre, désirent connaître la réponse, ignorer la question devient très difficile. »

Chasta DOUCHARD

Ambassadrice de PEPA Education Agency