Dix pages du livre “Les lois de la nature humaine”avec l’ambassadrice Chasta DOUCHARD
Osons lire dix pages avec Ambassadrice Chasta DOUCHARD
Introduction
Si vous tombez sur un trait particulier de méchanceté ou de sottise… Veillez à ne pas le laisser vous contrarier ni vous affliger, mais à le considérer uniquement comme un élément qui vient s’ajouter à votre savoir – un nouveau fait à prendre en compte dans l’étude du caractère de l’espèce humaine. Votre attitude à l’égard de ce trait de caractère sera celle du minéralogiste qui rencontre un spécimen minéral très caractéristique.
Arthur Schopenhauer
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Tout au long de notre existence, nous avons inévitablement affaire à un certain nombre d’individus qui sèment le trouble et rendent nos vies difficiles ou malheureuses. Ces individus sont des leaders ou des patrons, des collègues ou des amis. Ils peuvent être agressifs ou passifs-agressifs, mais ils sont généralement très forts pour jouer sur nos émotions. Ils ont souvent l’air charmants et joliment sûrs d’eux, débordant d’idées et d’enthousiasme, et savent nous ensorceler. Il est trop tard lorsque nous découvrons que leur belle confiance est irrationnelle et leurs idées défectueuses. Parmi nos collègues, ils peuvent être ceux qui, nous jalousant en secret, sabotent notre travail.
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Ou nous découvrons, à notre grand désarroi, que ce sont des profiteurs qui ne pensent qu’à eux et auxquels nous servons uniquement de marchepied.
Ce qui se passe forcément dans ce genre de situation, c’est que nous ne nous attendons pas à un tel comportement et sommes pris au dépourvu. Souvent, ces individus nous assomment avec de faux prétextes brillamment élaborés pour justifier leurs actes ou trouvent des boucs émissaires bien commodes. Ils savent comment nous embrouiller et nous entraîner dans un scénario qu’ils maîtrisent à la perfection. Certes, nous pourrions protester ou nous mettre en colère, mais au fond nous nous sentons assez démunis le mal est fait.
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Et puis un autre individu du même genre entre dans notre vie et l’histoire se répète. Nous constatons souvent un sentiment similaire de confusion et d’impuissance par rapport à nous-mêmes et à notre propre comportement. Par exemple, nous disons brusquement quelque chose qui choque notre patron, notre collègue ou notre ami – nous ne savons pas très bien d’où vient cette parole blessante, mais nous nous en voulons de voir qu’une colère ou une tension intérieure s’est déchargée d’une manière que nous regrettons. Ou nous nous lançons avec enthousiasme dans un projet pour nous apercevoir après coup que c’était stupide et une terrible perte de temps. Il nous arrive aussi de tomber amoureux d’une personne qui n’est justement pas le genre de personne qu’il nous faut, et nous le savons pertinemment, mais c’est plus fort que nous. Nous nous disons à nous-mêmes : « Mais bon sang, qu’est-ce qui m’a pris ? »
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Dans ces différents types de situation, nous nous surprenons à tomber dans des schémas de comportement autodestructeurs qui semblent nous dépasser. C’est comme si nous abritions un étranger à l’intérieur de nous, un petit démon qui opère indépendamment de notre volonté et nous pousse à faire ce qu’il ne faut pas. Et cet étranger en nous est assez mystérieux, ou du moins plus mystérieux que l’image que nous avons de nous-mêmes.
Que dire de ces deux phénomènes ? Des actes répugnants des autres et de notre propre comportement parfois déroutant ? Qu’en général, nous n’avons pas la moindre idée de ce qui les motive. Certes, nous pouvons nous accrocher à des explications simples, comme « Cet individu est mauvais, c’est un sociopathe » ou « Quelque chose s’est produit en moi, je n’étais pas moi-même ». Mais ce genre de descriptions toutes faites ne permet pas de comprendre quoi que ce soit.
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En vérité, nous, les êtres humains, vivons en surface, réagissant émotionnellement à ce que les autres disent et font. Nous nous forgeons des opinions de nos semblables et de nous-mêmes assez simplistes. Nous nous contentons de l’histoire la plus facile et la plus confortable à nous raconter.
Et si, pourtant, nous pouvions plonger pour aller voir plus profondément ce qui se trouve sous la surface ? Si nous pouvions creuser tout au fond, jusqu’aux racines du comportement humain ? Si nous arrivions à comprendre pourquoi certaines personnes deviennent jalouses et tentent de saboter notre travail ? Pourquoi la confiance intérieure mal placée de certains individus leur donne la conviction d’être irréprochables et infaillibles ? Si nous pouvions vraiment saisir pourquoi les gens se comportent soudain de façon irrationnelle et révèlent une face beaucoup plus sombre de leur personnalité ? Ou pourquoi ils sont toujours prêts à fournir une explication rationnelle à leur comportement ? Ou pourquoi nous nous en remettons constamment à des leaders qui sollicitent les aspects les plus vils de notre nature ? Oui, qu’adviendrait-il si nous pouvions regarder tout au fond des êtres et juger leur caractère pour éviter de recruter les mauvaises personnes et nous protéger des relations personnelles qui nous sapent émotionnellement ?
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Si nous comprenions véritablement les racines du comportement humain, les personnalités les plus destructrices auraient beaucoup plus de mal à continuer d’agir comme elles le font. Nous ne serions pas aussi facilement séduits et trompés. Nous serions capables d’anticiper leurs sales tours et leurs manipulations, et ne serions pas dupes de leurs faux prétextes. Nous ne nous autoriserions pas à nous laisser entraîner dans tous leurs scénarios, sachant d’avance que c’est de l’intérêt que nous leur manifestons qu’elles dépendent pour nous contrôler. Finalement, nous leur confisquerions définitivement leur pouvoir grâce à notre faculté de sonder les profondeurs de leur personnalité.
Et nous ? Que se passerait-il si nous pouvions regarder à l’intérieur de nous-mêmes pour y voir la source de nos émotions les plus perturbantes, comprendre pourquoi elles déterminent notre comportement et vont souvent à l’encontre de nos propres désirs ? Que se produirait-il si nous savions pourquoi nous sommes tellement poussés à désirer ce qu’ont les autres ou à nous identifier à un groupe au point de mépriser ceux qui n’en font pas partie ? Si nous pouvions découvrir pourquoi nous nous mentons sur ce que nous sommes ou repoussons les autres sans le vouloir ?
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Être en mesure de comprendre plus clairement cet étranger en nous nous aiderait à nous rendre compte que ce n’est pas du tout un étranger, mais bel et bien une part de nous-mêmes, et que nous sommes bien plus mystérieux, complexes et fascinants que nous ne l’imaginions. Et, avec cette nouvelle conscience, nous serions capables de rompre avec les schémas négatifs de notre vie, de cesser de nous trouver des excuses, et de mieux contrôler ce que nous faisons et ce qui nous arrive.
Acquérir une telle lucidité sur nous-mêmes et sur les autres pourrait changer le cours de nos vies de bien des façons, mais débarrassons-nous d’abord d’une idée reçue selon laquelle notre comportement est largement conscient et volontaire. En effet, imaginer que nous ne contrôlons pas toujours nos actes est assez effrayant, mais c’est la réalité. Nous sommes à la merci de forces qui, au plus profond de nous-mêmes, déterminent notre comportement et agissent à notre insu. Nous voyons les résultats – nos pensées, nos humeurs et nos actes – mais n’avons pas vraiment accès, consciemment, à ce qui motive nos émotions et nous oblige à adopter tel ou tel comportement.
Considérons notre colère, par exemple. En général, nous identifions un individu ou un groupe comme la cause de cette émotion.
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Mais si nous étions honnêtes avec nous-mêmes et creusions plus loin, nous verrions que ce qui déclenche souvent notre colère, notre mécontentement ou notre frustration a des racines plus profondes. L’émotion peut être liée à un événement que nous avons vécu dans l’enfance ou à un ensemble de circonstances particulières. À y regarder de plus près, nous pouvons identifier certains scénarios bien précis – quand il se passe ceci ou cela, nous nous mettons en colère. Mais au moment où nous éprouvons de la colère, nous ne sommes ni réfléchis ni rationnels – nous sommes dans l’émotion et cherchons le(s) coupable(s). Cela vaut pour tout un tas d’émotions – certains types d’événements déclenchent soudain un sentiment de confiance ou, au contraire, d’insécurité, suscitent de l’anxiété, éveillent une attirance pour une personne donnée ou provoquent une soif d’attention.
Appelons toutes ces forces, parfois contradictoires, qui nous agitent en profondeur, la nature humaine. La nature humaine trouve son origine dans le câblage spécifique de notre cerveau, la configuration de notre système nerveux et notre mode de traitement des émotions – toutes ces caractéristiques qui ont émergé et se sont développées au cours des quelque cinq millions d’années d’évolution de notre espèce.
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Nous pouvons attribuer nombre de spécificités de notre nature à la manière particulière dont l’Homme a évolué en tant qu’animal social pour assurer sa survie – apprenant à coopérer avec ses semblables, coordonnant ses actions avec le groupe à un niveau supérieur, créant de nouvelles formes de communication et des moyens de maintenir une discipline collective. Tout ce que nos ancêtres ont vécu continue de vivre à l’intérieur de nous et de déterminer notre comportement, même dans le monde moderne et sophistiqué qui est le nôtre aujourd’hui.
Prenez l’exemple de l’évolution de l’émotion humaine. La survie de nos ancêtres les plus lointains dépendait de leur capacité à communiquer entre eux bien avant l’invention du langage. Ils ont développé des émotions nouvelles et complexes – la joie, la honte, la gratitude, la jalousie, le ressentiment, etc. Les signes de ces émotions se lisaient immédiatement sur leur visage, ce qui leur permettait de transmettre rapidement et efficacement leurs humeurs. Ils sont devenus extrêmement perméables aux émotions de leurs semblables dans le but de souder le groupe avec plus de force encore – ressentir ensemble la même joie ou le même chagrin – ou de rester unis face au danger.
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Encore aujourd’hui, nous demeurons extrêmement sensibles aux humeurs et aux émotions de notre entourage, ce qui nous pousse à adopter toutes sortes de comportements – imiter inconsciemment les autres, vouloir ce qu’ils ont, nous laisser contaminer par leur colère ou leur indignation. Nous pensons agir de notre plein gré sans réaliser combien notre perméabilité aux émotions des autres membres du groupe ou de la collectivité influence nos actes et nos réactions.
Il existe d’autres forces de ce type issues de notre passé lointain et qui façonnent de façon similaire notre comportement quotidien. Par exemple, notre besoin constant de nous comparer aux autres et d’évaluer notre valeur personnelle à l’aune de notre statut – une caractéristique présente dans toutes les cultures de chasseurs-cueilleurs, et même chez les chimpanzés. Autre exemple : notre instinct grégaire qui nous amène à établir deux clans séparés – ceux qui sont des nôtres et ceux qui n’en sont pas. Ajoutons-y notre besoin de porter des masques pour dissimuler les comportements désapprouvés par la tribu – tous nos désirs inavouables sont alors réprimés et contribuent à former notre part d’ombre, la face cachée de notre personnalité. Nos ancêtres avaient parfaitement compris cette part d’ombre et le danger qu’elle représentait, la croyant issue d’esprits et de démons qu’il fallait exorciser. Nous nous fions à un mythe différent – « quelque chose de plus fort que moi s’est emparé de moi » […]
Chasta DOUCHARD, Ambassadrice de PEPA Education Agency