Adopter des petites habitudes quotidiennes pour devenir une meilleure version de soi-même 

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Étape 4 : Associez-la avec un déclencheur évident 

« Un bon designer s’assure que les actions appropriées sont perceptibles et que celles inappropriées sont invisibles. » 

— Donald Norman, psychologue cognitiviste américain et auteur du livre The Design of Everyday Things 

POURQUOI 

Développer une nouvelle habitude est comme adopter la posture d’un designer ergonome, vous devez réfléchir en amont en vue d’harmoniser un environnement qui suggère à l’utilisateur de faire ce que vous souhaitez qu’il exécute lorsqu’il interagit avec un objet ou un système. En ergonomie, le terme affordance (ou « potentialité ») désigne « la capacité d’un objet ou d’un système à évoquer son utilisation, sa fonction ». Par exemple, la poignée d’une porte encourage l’individu à tourner la poignée et à la pousser ou la tirer dans la direction indiquée par les charnières pour ouvrir la porte. L’affordance fait également référence à la relation entre un objet, comme une chaise, et une personne. L’affordance est conjointement déterminée par les propriétés de l’objet et les capacités de la personne qui interagit avec l’objet. Ainsi un humain pourrait s’asseoir sur une chaise tandis qu’un éléphant pourrait jouer avec la chaise ou être indifférent. Tout ergonome vise un idéal : rendre intuitive l’utilisation d’un objet ou d’un service, c’est-à-dire d’offrir à l’utilisateur les moyens d’interagir immédiatement et spontanément avec l’objet sans qu’il ait besoin de lire un manuel d’utilisation. Par exemple, la forme d’une chaise suggère de s’asseoir dessus.

Dans la conception d’une nouvelle habitude, nous cherchons à avoir un genre d’affordance ; nous voulons proposer la meilleure relation possible entre nous-mêmes et notre environnement afin de suggérer le bon comportement souhaitable. Ainsi, la motivation et la volonté ne sont pas des alliées fiables. La motivation est instable comme une vague, parfois nous sommes motivés et parfois pas. Ne comptez pas seulement sur votre motivation (quelque chose qui change) pour développer une nouvelle habitude (quelque chose que vous voulez faire constamment). Votre mémoire, votre motivation et votre volonté vous feront toujours défaut à un moment donné parce que ce sont des ressources épuisables. C’est pourquoi, pour développer une nouvelle habitude, il est essentiel de choisir un déclencheur approprié – un appel à l’action – qui vous rappelle naturellement et vous incite spontanément à prendre le comportement que vous souhaitez dans un contexte donné. Le but de ce déclencheur est d’éliminer tout effort mental pour rendre l’habitude évidente à faire. Un plan d’action prédéterminé vous permettra de vous libérer des contraintes de motivation et de volonté.

COMMENT 

Il existe deux techniques pour vous permettre de faciliter le démarrage de n’importe quelle habitude.

Utilisez un plan si – alors. Élaborée par le psychologue Peter Gollwitzer au milieu des années 1990, la modélisation de l’implémentation de l’intention est un plan d’action clair que vous établissez à l’avance pour savoir quand et où agir. La formule est simple : « Lorsque la situation X se présente, je vais exécuter la réponse Y. » ou dans sa forme basique : Si [SITUATION], alors je ferai [COMPORTEMENT].

Pour appliquer cette stratégie à vos habitudes, il suffit de remplir cette phrase : Je ferai [COMPORTEMENT] à [TEMPS] dans [LOCATION].

« Je veux écrire tous les jours » devient : « J’écrirai au moins une phrase à 20 h 30, chez moi. » 

« Je méditerai quand j’aurai du temps » devient : « Je méditerai pendant une minute à 7 heures, dans ma cuisine. » 

« J’essaierai de lire plus souvent » devient : « Je lirai au moins une page d’un livre à 21 h, dans mon lit. »

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Empilez vos habitudes. 

Le meilleur moyen d’établir un lien avec votre nouvelle habitude pour la rendre évidente est de la rattacher avec une routine existante qui agira comme un déclencheur. Pour appliquer cette technique, choisissez une habitude courante et complétez la phrase suivante : Après [HABITUDE ACTUELLE], je ferai [NOUVELLE PETITE HABITUDE].

Selon Brian J. Fogg, il y a quatre principes à retenir lorsque vous choisissez l’habitude qui servira de déclencheur au nouveau comportement que vous cherchez à développer.

  1. Votre habitude doit être extrêmement fiable. Préférez les comportements que vous avez toujours faits.

Après que mes pieds ont touché le sol le matin, je dirai : « Ça va être une belle journée. » 

Après avoir fait mon lit, je m’étirerai en touchant mes orteils.

Après être entré dans ma voiture, je prendrai deux respirations profondes.

  1. Votre habitude doit être un événement précis. Un déclencheur flou (comme « après le dîner » ou « chaque fois que je me sens stressé ») ne convient pas très bien. Précisez-les : « Après avoir allumé mon téléphone », « Après m’être assis dans le train », « Après avoir bu un verre d’eau », « Après que le soleil s’est couché », « Après que la musique s’est arrêtée », etc. Les déclencheurs temporels et de lieu peuvent être habilement exploités.

Après avoir fait ma tasse de thé, je méditerai pendant 60 secondes.

Après avoir mangé mon petit-déjeuner, je boirai un verre d’eau.

Après avoir allumé mon ordinateur, je rangerai un article sur mon bureau.

Après 21 heures, j’éteindrai tous mes écrans.

Après avoir posé ma tête sur l’oreiller, je remercierai une bonne chose qui m’est arrivée aujourd’hui.

  1. Votre habitude doit correspondre avec la fréquence à laquelle vous voulez faire votre nouvelle habitude. Si vous voulez faire votre nouveau comportement une fois par jour (comme lire), alors séquencez-le après une habitude qui se produit juste une fois par jour (aller dans votre lit pour se coucher). Si vous voulez faire votre nouveau comportement de 4 à 7 fois par jour, alors séquencez-le après une habitude qui se produit de 4 à 7 fois dans votre journée.

Après être allé aux toilettes, je boirai un verre d’eau (cela me rappelle de me réhydrater sans y penser).

Après avoir bu de l’eau, je me rappellerai une chose que j’ai apprise récemment (très pratique pour apprendre de nouveaux concepts et mieux les retenir).

Après avoir lu un article, je noterai au moins une phrase de ce que j’en ai retenu dans un carnet.

Après un appel professionnel, je noterai au moins une phrase de ce que j’ai retenu de l’échange.

  1. Votre habitude devrait se rapporter naturellement au nouveau comportement. Une bonne habitude d’ancrage est liée au nouveau comportement que vous souhaitez faire, tant dans le thème que dans le lieu.

Après m’être brossé les dents, j’utiliserai du fil dentaire. Tous deux sont en relation avec les soins dentaires et se déroulent au même endroit dans la salle de bain.

Après que mon réveil a sonné, je ferai mon lit immédiatement.

Après être rentré chez moi, j’accrocherai mes clés.

Après m’être installé dans mon lit, je lirai au moins une page d’un livre.

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Étape 5 : Rendez-la satisfaisante avec une récompense immédiate 

« Cela explique pourquoi les habitudes sont si puissantes : elles créent des envies neurologiques. La plupart du temps, ces envies apparaissent si graduellement que nous n’en sommes pas vraiment conscients et que nous sommes souvent aveugles à leur influence. Mais comme nous associons les déclencheurs à certaines récompenses, une envie subconsciente émerge dans notre cerveau qui commence à faire tourner la boucle de l’habitude. » 

— Charles Duhigg, journaliste et auteur du livre Le Pouvoir des habitudes 

POURQUOI 

Au début des années 1900, très peu d’Américains se brossaient les dents. Claude Hopkins, un des pionniers de la publicité moderne, était en charge du marketing du Pepsodent, un dentifrice révolutionnaire à la menthe qui picote dans la bouche. Il a développé une formule en deux étapes encore employée dans la publicité aujourd’hui : trouver un déclencheur simple et évident et définir clairement les récompenses.

Hopkins a commercialisé le Pepsodent comme un moyen d’éliminer la sensation du film de plaque que les gens ressentent sur leurs dents. Il a fait remarquer qu’avoir ce film sur les dents donnait l’impression qu’elles étaient miteuses et a laissé croire que si des millions d’Américains avaient des sourires d’un blanc éclatant, c’était grâce au Pepsodent. Évidemment, l’allégation était fausse. Cependant, Hopkins a réussi à identifier un déclencheur universel (dents sales) qu’il a lié à une récompense de belles dents. Pour la première fois, les gens ont commencé à acheter du dentifrice.

Hopkins avait réussi à populariser l’habitude du brossage de dents en jouant sur la vanité et l’envie d’être propre, mais enlever la plaque dentaire n’aurait pas suffi à intégrer le brossage de dents dans une routine quotidienne.

Une récompense était nécessaire. Dans le cas de Pepsodent, c’était la sensation de fraîcheur et de picotement après le brossage de dents. Cet effet est progressivement entré dans l’esprit des consommateurs qui ont assimilé une récompense tangible qu’ils ont commencé à désirer en oubliant de se brosser les dents. Une majorité des Américains a bien compris le lien avec cette récompense et, en l’espace d’une décennie, l’utilisation du dentifrice est passée de 7 % d’Américains à 65 % de la population américaine.

Depuis cette découverte, la sensation de fraîcheur et de picotement est maintenant un élément de base dans tous les dentifrices.

La récompense est l’information qui permet au cerveau de satisfaire une envie et de savoir si un nouveau comportement doit être reproduit ou non à l’avenir. Nous pouvons également utiliser cette connaissance à notre avantage lorsque nous essayons de créer des habitudes. Si nous adoptons une habitude que nous attendons avec impatience, nous serons beaucoup plus susceptibles de la répéter. C’est pourquoi il est essentiel de se récompenser après chaque habitude afin d’associer celle-ci à un état de bien-être et d’avoir toujours envie de la refaire. C’est ce besoin qui crée automatiquement une habitude. Rappelez-vous : sans récompense il n’y a pas de comportement et encore moins d’habitude. Ce n’est qu’une fois que votre cerveau commence à s’attendre à la récompense que le recâblage important aura lieu et vous permettra de créer de nouvelles habitudes.

COMMENT 

Une bonne récompense présente trois caractéristiques principales : elles surviennent immédiatement après la routine, sont liées à l’action et sont minimes. Pensez aux footballeurs qui célèbrent leurs buts en embrassant leur maillot, en glissant sur la pelouse pour se faire féliciter par leurs coéquipiers et les supporters. Nous essayons ici de faire la même chose, mais sans pelouse.

Cette approche vous paraîtra un peu étrange, mais ceux qui se récompensent efficacement peuvent créer rapidement des habitudes. Voici quelques suggestions pour célébrer vos petites victoires.

Faites un mouvement physique une fois : lever le pouce en l’air, vous applaudir une fois, lever le poing, faire le signe de la victoire.

Faites un mouvement physique rythmé : une petite danse de la victoire (on oublie le Mia ou la Macarena), prendre la posture de l’archer comme Usain Bolt (plus classe), taper la pause victorieuse d’un de vos personnages préférés !

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Dites quelque chose à voix haute ou pensez-le : « Je suis génial ! », « Bon travail ! », « Super ! », « Tu gères ! », « Yes ! » 

Chantez une chanson à voix haute ou chantonnez-la dans votre tête : « Eyes of the Tiger » (Survivor), « Gonna Fly Now » (Bill Conti, thème de Rocky), « Billie Jean », « Don’t Stop ‘Til You Get Enough » (Michael Jackson).

• Imaginez entendre de la musique ou un effet sonore : une foule rugissante qui vous acclame, la fanfare de la victoire d’un « Final Fantasy », une explosion avec un arrêt sur image où vous tapez la pause comme si vous figuriez dans le générique d’une série.

Ressentez un sentiment de réussite à l’intérieur de vous : un sentiment de joie pour votre action, de contentement dans vos progrès tranquilles, d’excitation pour les bienfaits à venir.

Vous pouvez aussi combiner deux ou plusieurs célébrations.

Si vous avez réussi l’exploit de faire manger un brocoli à un enfant, vous pouvez faire une pause victorieuse, imaginer une musique glorieuse comme dans le film Rocky, vous congratuler en vous disant, par exemple : « Tu gères ! » Vous n’êtes pas obligé d’utiliser la même célébration. Si vous êtes dans un lieu public, alors votre célébration ne sera pas visible (ça serait gênant). Dans ce cas, vous pourriez vous limiter à un sentiment de victoire intérieur avec une pensée comme « Bon travail » ou « On est sur la bonne voie ». Ou parfois vous pourriez penser à une personne qui vous est chère et qui serait fière de vous voir réussir. Cela libère des émotions positives et fonctionne comme une célébration. L’important est de trouver votre célébration qui vous est authentique et qui fonctionne pour vous.

Mesurez vos progrès. Le suivi des habitudes crée un déclencheur visuel qui peut vous rappeler d’agir. C’est intrinsèquement motivant à faire, car vous voyez les progrès que vous faites et cela crée une récompense visible. La mesure est utile quand elle vous guide dans la bonne direction, pas quand elle vous consume dans une logique de performance pure et dure. En mesurant vos progrès, vous pouvez aussi vous récompenser comme si vous montez d’un niveau.

Employez la stratégie de Jerry Seinfeld. Procurez-vous un grand calendrier mural, mettez-le bien en évidence en le plaçant dans un lieu où vous le verrez souvent (réfrigérateur, porte d’entrée, chambre, toilettes). Chaque fois que vous cochez une date dans votre calendrier, vous aurez investi une journée supplémentaire dans votre série. Ce rappel visuel renforce votre engagement. Plus la série se développe, plus vous lutterez pour son maintien.

Téléchargez un traqueur d’habitudes. Vous pouvez documenter et suivre vos habitudes avec des applications telles que Loop – Suivi d’habitudes (simplicité) ou HabitBull (complet). Pour les joueurs, vous avez Habitica, une application gratuite qui traite votre vie comme un jeu en transformant vos tâches quotidiennes en aventure RPG (sigle issu de l’anglais role playing game désignant un jeu vidéo de rôle).

Rendez vos habitudes plus attrayantes. Associez un comportement que vous jugez important mais peu attrayant à un comportement qui vous attire. L’idée est d’exploiter l’empilement des habitudes pour rendre votre nouvelle habitude plus désirable parce qu’elle aboutira toujours à une récompense que vous souhaitez.

La formule est la suivante :

1. après [HABITUDE ACTUELLE], je ferai [HABITUDE DONT J’AI BESOIN] ;

2. après [HABITUDE DONT J’AI BESOIN], je ferai [HABITUDE QUE JE VEUX].

Avant d’allumer mon ordinateur, je m’assure d’avoir médité et d’avoir fait au moins 20 pompes :

après avoir médité, je ferai 20 pompes ;

• après avoir fait 20 pompes, j’allumerai mon ordinateur.

Vous pouvez aussi exploiter un déclencheur pour placer une habitude que vous avez besoin de faire avant l’habitude que vous voulez. Par exemple, lorsque vous avez envie d’aller sur Facebook, faites 20 pompes avant. Si vous avez envie d’écouter un podcast ou un livre audio, faites-le pendant que vous faites du sport (course, musculation, étirements). Bientôt, vous pourrez même convertir ces tâches peu attirantes comme étant agréables parce que vous anticiperez la récompense agréable tout en les effectuant.

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Étape 6 : Soyez votre propre architecte du choix 

« Un architecte de choix a la responsabilité d’organiser le contexte dans lequel les gens prennent des décisions. » 

— Richard Thaler, économiste, prix Nobel d’économie en 2017 et auteur du livre Nudge 

POURQUOI 

Richard Thaler, professeur d’économie et de sciences comportementales à l’université de Chicago, est à l’origine de la théorie du nudge qui lui a valu de recevoir le prix Nobel d’économie en 2017.

Le nudge peut se comprendre comme un mode de représentation particulier, susceptible d’induire un choix différent, de modifier le comportement, des gens d’une manière prévisible sans interdire aucune option. En bref, c’est un petit coup de pouce qui nous incite à prendre une bonne décision.

L’exemple le plus célèbre est cette fausse mouche peinte sur le fond des urinoirs de l’aéroport d’Amsterdam. Elle a encouragé les utilisateurs à viser plus précisément, ce qui a réduit les dépenses en nettoyage.

Chaque habitude dépend du contexte. Notre environnement physique peut déterminer et influencer sans que nous en soyons conscients notre comportement. Malgré nos personnalités uniques, certains comportements ont tendance à se reproduire dans certains contextes. Dans une salle d’attente, les gens ont tendance à parler à voix basse et respectent une distance de confidentialité. Dans une salle de spectacle, les gens rient, crient, applaudissent.

Le nudge est fait par ceux que nous appelons les « architectes de choix », un terme sophistiqué pour désigner toute personne qui organise un contexte afin d’influencer les choix que vous faites. La vérité est que bon nombre des actions que nous entreprenons chaque jour ne sont pas influencées par notre détermination ni par notre volonté délibérée, mais par l’option la plus évidente. Dans les supermarchés, les étagères à hauteur des yeux contiennent généralement les produits les plus chers. Si vous avez des friandises présentées en caisse, c’est pour mieux vous tenter par l’exploitation de votre fatigue. Ou pensez encore aux offres d’abonnements qui se renouvellent automatiquement.

Dans le cadre d’une étude, des chercheurs se sont demandé s’ils pouvaient amener des gens à manger plus sainement sans y penser. Pour ce faire, ils ont secrètement manipulé l’environnement d’une cafétéria d’un hôpital de Boston pendant une période de six mois. Qu’ont-ils fait ? Ils ont ajouté de l’eau aux trois réfrigérateurs principaux de la cafétéria – là où il n’y avait que des sodas – et placé des paniers contenant des bouteilles d’eau partout dans la pièce.

Ces petits changements environnementaux ont entraîné une baisse de 11 % des ventes de boissons gazeuses sur les trois mois suivants, tandis que les ventes d’eau en bouteille ont augmenté de 25 %. Les chercheurs ont également apporté des ajustements aux options alimentaires et observé des résultats similaires. Personne n’a dit aux visiteurs de la cafétéria quoi faire.

Les chercheurs ont tout simplement changé l’environnement pour favoriser des choix plus sains et les clients ont adapté leurs comportements en conséquence. Nous pouvons aussi exploiter cette tendance en étant nos propres architectes du choix.

Chasta DOUCHARD

Ambassadrice de PEPA Education Agency