Accepter l’inconfortable pour ne plus se laisser facilement distraire
« Si vous vous prenez en flagrant délit en train d’écouter la petite voix que vous avez à l’esprit et qui vous rabaisse tout le temps, il est important de savoir comment répondre. Plutôt que d’accepter ou de contredire ce que dit la petite voix, gardez à l’esprit qu’il n’y a pas de processus de croissance sans obstacles. L’entraînement est parfois difficile mais il est impossible de progresser sans en passer par là. »
–Nir Eyal–
Dans Imperturbable, livre de Nir Eyal et de sa co-auteure Julie Li, les auteurs nous révèlent des raisons psychologiques cachées qui nous conduisent à la distraction, tout en nous apportant des solutions concrètes. « Imperturbable » est alors un ouvrage parfait nous permettant d’identifier les sources de nos distractions afin de les canaliser à bon escient.
EYAL, Nir et LI, Julie. Imperturbable. Comment s’affranchir des distractions du monde numérique et rester maître de sa vie. 2020. Talent Editions. (p. 41- 57)
Osons lire dix pages avec Ambassadrice Chasta DOUCHARD
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Gérer son temps, c’est gérer son mal-être
Au début, je ne voulais pas y croire. La vérité derrière les réelles causes de la distraction me dérangeait, mais après avoir consulté toute la littérature scientifique, j’ai dû accepter que nous nous laissons déconcentrer parce que nous le voulons bien.
Une distraction, comme tout comportement humain, n’est en fait qu’une tactique employée par notre cerveau pour tenter de gérer une situation inconfortable. Si nous choisissons d’accepter cette vérité, il devient alors évident que pour résister aux distractions, la seule stratégie efficace reste d’apprendre à gérer les situations inconfortables.
Si une distraction nous fait perdre du temps, alors gérer son temps, c’est gérer son mal-être.
Mais d’où peuvent bien venir cette douleur, ce mal-être et cet inconfort ? Pourquoi sommes-nous perpétuellement impatients et insatisfaits ?
Notre époque actuelle est la plus sûre, la plus saine, la plus évoluée, la plus démocratique de l’Histoire, mais pourtant, quelque part, au plus profond de la psyché humaine, quelque chose nous pousse constamment à vouloir fuir un état intérieur en perpétuelle agitation. Comme l’a dit Samuel Johnson, poète du XVIIe siècle : « Ma vie est une longue échappée à moi-même. » La mienne aussi, cher frère. La mienne aussi.
Dieu merci, nous pouvons nous consoler en nous disant que cette insatisfaction est plus ou moins naturelle. Désolé, mais il y a fort à parier que vous et moi ne serons jamais parfaitement heureux. Une période de joie sporadique ? Bien sûr. Un état euphorique occasionnel ? Oui, évidemment. Chanter « Happy » de Pharrell Williams, en sous-vêtements, de temps en temps ? Oui, qui ne l’a pas fait ? Mais le fameux « Ils vécurent heureux jusqu’à la fin des temps » que l’on entend depuis qu’on est tout petits ? Non. Oublions ça tout de suite.
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C’est un mythe. Ce genre de bonheur est conçu pour être de courte durée. Des millions d’années d’évolution nous ont donné, à vous et moi, un cerveau dans un état de mécontentement quasi constant.
Nous sommes faits ainsi pour une seule et unique raison. Une étude publiée dans le journal Review of General Psychology indique que « si la satisfaction et le plaisir étaient permanents, il n’y aurait que peu de raisons de vouloir progresser ou innover. » En d’autres termes, être satisfait n’est pas bon pour notre espèce. Nos ancêtres travaillaient et exploraient davantage parce qu’ils étaient constamment troublés. Nous avons gardé la même habitude.
Malheureusement, les mêmes traits évolutionnaires qui ont permis au genre humain de survivre en cherchant toujours à en faire plus, semblent aujourd’hui conspirer contre nous.
Si la satisfaction est temporaire, c’est à cause de quatre facteurs psychologiques.
Commençons par le premier : l’ennui. Certaines personnes préfèrent souffrir le diable plutôt que de s’ennuyer. Une étude publiée en 2014 dans Science a demandé à des participants de s’asseoir dans une pièce et de penser pendant quinze minutes. La pièce était vide à l’exception d’un appareil qui permettait aux participants de s’envoyer une décharge électrique, légère mais suffisamment douloureuse. « Qu’est-ce qui pourrait bien pousser quelqu’un à faire ça ? » vous demandez-vous peut-être.
Avant d’entrer dans la salle, tous les participants à l’étude ont dit qu’ils étaient prêts à payer pour ne pas être électrocutés. Cependant, une fois seuls dans la salle avec l’appareil, et rien d’autre à faire, 67 % des hommes et 25 % des femmes ont décidé de s’envoyer une décharge électrique. Certains l’ont même fait plusieurs fois. Les auteurs de l’étude ont conclu leur recherche en disant que « Les gens préfèrent ‘‘agir’’ plutôt que ‘‘penser’’, et cela même si ce qu’ils font est désagréable et s’ils étaient prêts à payer pour ne pas le subir. Un esprit indiscipliné n’aime pas être seul avec lui-même. » Il n’est donc pas étonnant de voir qu’aux États-Unis, la majorité des vingt-cinq sites Internet les plus fréquentés proposent des moyens de fuir la routine du quotidien, soit avec des objets en vente, soit avec les dernières rumeurs people, ou avec des mini-doses d’interactions sociales.
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Le deuxième facteur psychologique qui nous pousse à succomber aux distractions est le biais de négativité, « un phénomène psychologique selon lequel nous accordons plus d’importance et d’attention aux événements négatifs qu’à ceux neutres ou positifs. » Comme le conclut l’auteur d’une étude, « c’est un biais psychologique basique et omniprésent selon lequel le mal est plus fort que le bien. » Un tel pessimisme se développe très rapidement. Dès l’âge de sept mois, les bébés commencent à montrer des signes de négativité, ce qui suggère que cette tendance est innée. En preuve supplémentaire, les chercheurs pensent que nous nous rappelons plus facilement des mauvais souvenirs que des bons. Plusieurs études révèlent même que certaines personnes sont plus susceptibles d’évoquer des événements négatifs ayant lieu dans leur enfance, même si elles disent avoir vécu une enfance heureuse.
Sans aucun doute, le biais de négativité nous a donné un avantage évolutionnaire. Tout ce qui est positif rend notre vie plus agréable. Génial ! Mais tout ce qui est négatif peut nous tuer. Voilà pourquoi nous faisons plus attention et mémorisons en priorité ce qui est négatif. C’est super pratique mais bon, on aurait aimé pouvoir s’en passer !
Le troisième facteur, c’est la rumination mentale. Il s’agit de notre tendance à ressasser les mauvaises expériences. Si vous avez déjà pensé à quelque chose que vous avez fait, ou que quelqu’un vous a fait, ou à quelque chose que vous voulez mais ne possédez pas, pendant des heures et des heures, et des jours et des jours, sans pouvoir arrêter d’y penser, alors vous avez fait l’expérience de ce que les psychologues appellent la « rumination mentale ». Cette « comparaison passive d’une situation actuelle avec un statut encore inachevé » peut se manifester lors de pensées autocritiques comme lorsqu’on se dit : « Pourquoi est-ce que je n’y arrive pas ? » Comme le remarque une étude : « En évaluant ce qui s’est mal passé et en proposant des mesures correctives, nous devenons capables de découvrir les sources de nos erreurs et d’autres choix pour, en fin de compte, ne pas répéter les mêmes erreurs et peut-être même mieux réussir à l’avenir. » Voici une autre qualité très utile, mais qui nous a tous rendus misérables plus d’une fois.
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L’ennui, le biais de négativité et la rumination mentale peuvent tous nous donner envie d’être distraits. Cependant, l’adaptation hédonique, soit le quatrième facteur, est peut-être le plus cruel d’entre tous. Il s’agit de notre tendance, peu importe ce qui se passe dans notre vie, à revenir rapidement à un niveau de satisfaction de référence. C’est la tactique de diversion préférée de Dame Nature. Tous les événements, achats et accomplissements qui, d’après nous, nous rendrons plus heureux, en fait, n’y arriveront pas. Du moins, pas à long terme. Par exemple, les personnes ayant vécu des événements chanceux, comme un gain important au loto, ont dit que les choses qui les rendaient joyeux auparavant avaient désormais perdu de leur charme.
Une telle personne a beau gagner le jackpot, son niveau de satisfaction finit toujours par revenir à la normale. Comme l’écrit David Myers dans The Pursuit of Happiness : « Toute expérience désirable, un amour passionné, une illumination spirituelle, le plaisir de posséder un nouvel objet, l’ivresse du succès, est transitoire. » Bien sûr, tout comme les trois autres facteurs, l’adaptation hédonique présente des avantages évolutionnels.
L’auteur d’une étude explique : « Tandis que de nouveaux objectifs capturent continuellement notre attention, nous nous efforçons de progresser pour atteindre le bonheur sans nous rendre compte qu’en réalité, ces efforts sont futiles. »
Quelqu’un veut-il bien indiquer aux violons qu’il est temps de jouer la symphonie de la tristesse ? Que nous reste-t-il alors ? La futilité ? Est-ce vraiment ce à quoi nous sommes destinés ? Absolument pas. Comme nous l’avons appris, notre capacité à être insatisfait est en réalité une compétence innée qui peut être canalisée afin de nous aider à améliorer notre situation, comme elle l’a fait avec nos ancêtres préhistoriques.
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Par défaut, notre cerveau est dominé par deux états, insatisfaction et inconfort, mais nous pouvons les utiliser pour nous motiver plutôt que pour nous démoraliser.
Sans la faculté de notre espèce à être constamment préoccupée, nous serions dans une situation tout autre, probablement proche de l’extinction. C’est notre insatisfaction qui nous pousse à faire tout ce que nous faisons, comme la chasse, la recherche, la création et l’adaptation. Même les actes les plus altruistes, comme le fait d’aider quelqu’un, sont motivés par notre désir d’échapper aux sentiments de culpabilité et d’injustice qui émergeraient en nous si nous n’aidions personne.
C’est ce désir insatiable, cette envie d’en vouloir toujours plus, qui nous permet de renverser des dictateurs. C’est ce qui nous pousse à inventer des technologies pour changer le monde et sauver des vies. C’est ce carburant invisible qui donne vie à nos ambitions d’expansion au-delà de notre planète et d’exploration du cosmos.
L’insatisfaction est responsable des progrès et des erreurs de notre espèce. Pour exploiter tout son pouvoir, nous devons renier l’idée malavisée qui dit qu’être malheureux, ce n’est pas normal. En fait, c’est l’opposé qui est vrai. Certes, ce changement de mentalité peut-être déroutant, mais aussi complètement libérateur.
Bonne nouvelle ! Être mécontent est un état naturel de référence, auquel nous devons la survie et l’évolution de notre espèce.
Une fois ce constat accepté, nous devenons capables de déjouer les pièges tendus par notre psyché. Nous pouvons reconnaître la douleur et la surmonter. Voilà la première étape à franchir pour devenir imperturbable.
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Gérer les distractions déclenchées de l’intérieur
Jonathan Bricker, psychologue au Fred Hutchinson Cancer Research Center à Seattle, a passé toute sa carrière à aider d’autres personnes à gérer le mal-être menant non seulement à la distraction mais aussi à la maladie. Son travail, dont l’efficacité a été prouvée, permet de réduire le risque de cancer en modifiant les comportements des patients. Bricker écrit : « La plupart des gens ne considèrent pas le cancer comme un problème comportemental. Cependant, que l’on parle de tabagisme, d’obésité ou de sédentarisme, il existe de véritables habitudes à prendre afin de réduire le risque de cancer et ainsi d’améliorer la qualité et la durée de vie. »
L’approche de Bricker implique d’utiliser le pouvoir de l’imagination pour aider ses patients à voir les choses différemment. Son travail montre que l’apprentissage de certaines techniques, dans le cadre d’une thérapie d’acceptation et d’engagement, permet de désarmer le mal-être qui conduit si souvent à des distractions nuisibles pour la santé.
Bricker a décidé de concentrer ses efforts sur l’arrêt du tabagisme et sur le développement d’une appli offrant des techniques d’acceptation et d’engagement par Internet. Bien qu’il utilise la thérapie d’acceptation et d’engagement dans un but bien précis (aider les gens à arrêter de fumer), les principes de son programme ont été reconnus pour réduire efficacement plusieurs sortes de dépendances ou d’envies. Le point de départ fondamental de cette thérapie consiste à apprendre à observer puis à accepter ses propres envies et à les gérer de manière saine. Plutôt que de les enfouir en nous, la thérapie prescrit une méthode où le sujet prend du recul, remarque, observe et laisse finalement le désir disparaître de lui-même. Très bien, mais pourquoi ne pas combattre nos envies ? Pourquoi ne pas simplement leur dire « Non » ?
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En réalité, l’abstinence mentale peut se retourner contre nous.
En 1863, Fiodor Dostoïevski a écrit : « Relevez le défi suivant : essayez de ne pas penser à un ours polaire… Et son image vous viendra à l’esprit à chaque minute ! » Cent vingt-quatre ans plus tard, le psychologue social Daniel Wegner relève le défi posé par Dostoïevski.
Il demande aux participants d’une étude de ne pas penser à un ours polaire pendant cinq minutes. Les résultats tombent et, en moyenne, chaque participant pense à un ours polaire une fois par minute, comme l’avait prédit Dostoïevski. Mais Wegner ne s’arrête pas là. Lorsqu’il demande aux participants de ce même groupe d’essayer de penser à un ours polaire, plus tard dans l’expérience, il remarque que ces participants y pensent bien plus souvent que les participants d’un autre groupe auquel il n’avait pas été demandé de supprimer une pensée pendant la partie initiale de l’expérience. Selon un article paru dans Monitor on Psychology, « Les résultats suggèrent que le fait de supprimer une pensée pendant les cinq minutes de l’expérience a provoqué un ‘‘rebond’’ de la même image plus tard dans l’esprit des participants. » Plus tard, Wegner dénomme cette tendance « l’effet rebond » pour justifier pourquoi il est si difficile de contrôler une pensée intrusive. Il est ironique de constater qu’en termes de désirs et d’envies, une interdiction, dès qu’elle est levée, rend l’accomplissement du désir encore plus savoureux.
C’est un cycle perpétuel où nous résistons et ruminons avant de finalement céder au désir qui stimule, très probablement, de nombreux comportements indésirables.
Par exemple, beaucoup de fumeurs pensent que c’est la nicotine qui est à l’origine de leur dépendance. Ils n’ont pas complètement tort, mais ils n’ont pas complètement raison non plus. La nicotine produit des sensations physiques bien distinctes. Cependant, une étude passionnante impliquant les membres du personnel de cabine d’un avion a démontré que même la dépendance au tabac n’est pas liée tant que ça à la nicotine.
Deux groupes d’agents de bord, tous fumeurs, sont dispatchés sur deux vols différents, au départ d’Israël. Le premier groupe se prépare pour un vol de trois heures vers l’Europe alors que le deuxième est envoyé à New York, soit un vol de dix heures. Les chercheurs demandent aux fumeurs d’évaluer leur envie de fumer à des moments précis, avant, pendant et après le vol. Si l’envie de fumer ne dépend que de l’effet de la nicotine sur le cerveau, nous pouvons nous attendre à ce que les deux groupes signalent une forte envie de fumer au même moment, après un nombre de minutes équivalent suivant leur dernière cigarette. Plus le temps passerait, plus leurs cerveaux auraient besoin de nicotine. Mais ce n’est pas ce qui est arrivé. Les agents de bord en direction de New York ont signalé, alors qu’ils étaient au-dessus de l’Océan Atlantique, que leur envie de fumer était faible. Alors qu’à la même heure, l’envie de fumer de leurs collègues qui venaient d’atterrir en Europe était au maximum. Comment est-ce possible ?
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Les agents du premier groupe savaient qu’ils ne pouvaient pas fumer en plein vol sans être renvoyés. C’est uniquement plus tard, en approchant de leur destination, qu’ils ont signalé une envie de fumer plus élevée. Il semble donc que la durée du vol et la durée écoulée depuis la dernière cigarette n’affectent pas l’envie de fumer des agents de bord.
Ce n’est pas la durée écoulée depuis leur dernière cigarette qui a affecté leur envie de fumer. C’est la durée qui les séparait du moment où ils pourraient fumer. Si, comme l’étude le suggère, une envie d’un produit aussi addictif que la nicotine peut être manipulée, pourquoi ne pouvons-nous pas leurrer notre cerveau afin de maîtriser d’autres désirs malsains ? Heureusement, nous le pouvons.
Vous remarquerez que je cite dans ce livre des études sur l’arrêt du tabac et la dépendance aux drogues dures. Je fais cela pour deux raisons : premièrement, bien qu’il n’y ait dans les études que très peu de personnes considérées comme pathologiquement dépendantes à des distractions comme Internet, la surutilisation de technologies peut être vue chez de nombreuses personnes comme une addiction ; deuxièmement, je voulais montrer que si ces techniques scientifiques bien établies réduisent efficacement des addictions aussi sérieuses que celles à la nicotine et à d’autres substances, elles peuvent donc tout à fait nous aider à contrôler nos envies de distraction. Après tout, on ne se fait pas une injection d’Instagram et on ne fume pas du Facebook, n’est-ce pas ?
Certains désirs peuvent être modulés, voire complètement atténués, en modifiant la façon dont nous considérons nos envies. Dans les chapitres suivants, nous allons apprendre comment penser différemment au sujet de trois concepts : nos déclencheurs internes, nos tâches à effectuer et notre tempérament.
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Repenser le déclencheur interne
Bien que nous ne puissions pas contrôler les sentiments qui surgissent en nous et les pensées qui nous viennent à l’esprit, nous pouvons tout à fait contrôler ce que nous voulons en faire. Le travail de Bricker, qui utilise la thérapie d’acceptation et d’engagement au sein de programmes d’arrêt du tabac, suggère que nous n’avons pas à nous rappeler sans cesse de ne pas penser à nos envies. À la place, nous devons apprendre à les gérer de manière plus efficace.
Le même principe s’applique à d’autres distractions comme le fait de vérifier les notifications sur son téléphone trop souvent, manger trop de malbouffe, ou faire des achats de manière compulsive. Plutôt que de lutter contre une envie, nous avons besoin de nouvelles méthodes de gestion des pensées intrusives. Pour réussir cela, appliquons les quatre étapes suivantes :
ÉTAPE 1 : ÊTRE ATTENTIF À LA SENSATION INCONFORTABLE QUI PRÉCÈDE LA DISTRACTION, EN SE CONCENTRANT SUR LE DÉCLENCHEUR INTERNE
Un problème récurrent que je rencontre lorsque j’écris, c’est l’envie de rechercher un mot sur Google. Rien de plus facile que de justifier cela comme un travail de recherche, mais au fond de moi, je sais que ce n’est qu’un moyen de me distraire et d’échapper au travail le plus difficile. Bricker conseille de se concentrer sur la situation inconfortable qui précède le comportement indésirable, comme le fait « d’être anxieux, d’avoir envie de quelque chose, d’être impatient ou de penser que l’on est incompétent. »
ÉTAPE 2 : ÉCRIRE QUEL EST LE DÉCLENCHEUR
Bricker conseille d’écrire le nom du déclencheur, peu importe si l’on finit ou non par céder à la tentation. Il recommande d’indiquer l’heure, ce que vous faisiez, et ce que vous ressentiez au moment où vous avez remarqué le déclencheur interne qui a conduit au comportement vous ayant distrait de votre travail, et cela « à la seconde même où vous prenez connaissance du comportement », car il est alors plus facile de se souvenir de ses sensations.
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D’après Bricker, nous sommes facilement capables d’identifier les déclencheurs externes, « mais il faut du temps et de nombreuses tentatives avant de réussir à remarquer ces fameux déclencheurs internes ». Il recommande de décrire votre envie et le fait d’y succomber comme si vous étiez un observateur, du genre : « Je sens une tension dans ma poitrine là… Et me voilà en train de vérifier les notifications sur mon iPhone. » Plus nous remarquons nos comportements de manière efficace, plus la gestion de notre emploi du temps deviendra efficace au fil du temps. « L’anxiété disparaît, la pensée s’affaiblit ou est remplacée par une autre pensée. »
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ÉTAPE 3 : EXPLORER SES SENSATIONS
Bricker nous recommande ensuite d’être curieux lorsque nous observons nos sensations. Par exemple, est-ce que vos doigts tremblent ou tapotent sur votre bureau peu de temps avant d’être distrait ? Est-ce que vous avez un nœud à l’estomac lorsque vous pensez au travail pendant que vous jouez avec vos enfants ? Que ressentez-vous donc lorsque le sentiment en question est à son maximum puis qu’il diminue progressivement ? Bricker nous encourage à ressentir le sentiment, à rester avec lui, avant de céder éventuellement à nos pulsions.
Une étude sur l’arrêt du tabac, appliquant des techniques similaires, révèle que les participants ayant appris à reconnaître et à explorer les sentiments accompagnant leurs envies sont deux fois plus nombreux à avoir réussi à arrêter de fumer que les participants au programme d’arrêt du tabac le plus efficace proposé par l’American Lung Association.
L’une des techniques préférées de Bricker est la méthode des « feuilles sur le ruisseau ». Lorsque vous ressentez un déclencheur interne inconfortable, que vous préfèreriez ignorer, « imaginez que vous êtes assis à proximité d’un ruisseau, sur la berge, dit-il. Puis imaginez que des feuilles sont posées à la surface de ce ruisseau et qu’elles s’écoulent avec lui. Placez chacune des pensées que vous avez à l’esprit sur chacune des feuilles. Cela peut être un souvenir, un mot, un souci ou une image.
Laissez ensuite ces feuilles s’écouler et être emportées au loin par le courant, pendant que vous êtes assis, là, à les regarder. »
ÉTAPE 4 : SE MÉFIER DES MOMENTS LIMINAUX
Un moment liminal est l’équivalent d’une transition entre deux activités durant votre journée. Avez-vous déjà utilisé votre téléphone portable pendant que vous attendiez, en pleine circulation, à un feu rouge ? Si oui, avez-vous aussi remarqué que même si le feu était passé au vert, vous aviez toujours un œil posé sur l’écran ? Ou encore, avez-vous déjà ouvert un onglet de votre navigateur web pour faire une recherche, perdu patience parce que le temps de chargement était trop long, puis en profiter pour regarder une autre page web en attendant ? Ou alors, avez-vous déjà consulté vos réseaux sociaux en marchant, entre deux réunions, pour finalement continuer de faire défiler votre fil d’actualité une fois arrivé à votre bureau ? En elles-mêmes, ces actions n’ont rien de dangereux. Ce qui peut l’être, en revanche, c’est qu’en se disant que c’est une activité temporaire qui ne durera « que quelques secondes », nous risquons de nous laisser distraire et de faire des choses que nous regretterons par la suite, comme perdre le fil de son travail pendant trente minutes ou pire, avoir un accident de voiture.
« La règle des dix minutes » est une technique que je trouve particulièrement utile pour gérer ce genre de distraction et ne pas tomber dans leur piège. Si je me surprends à vouloir consulter mon téléphone afin de me calmer les nerfs quand je n’ai rien de mieux à faire, je me dis que je peux tout à fait le faire… Mais pas tout de suite. Je dois d’abord attendre dix minutes. Cette technique est particulièrement efficace pour m’aider à gérer un éventail de distractions potentielles, comme faire une recherche sur Internet plutôt que d’écrire, manger quelque chose de malsain quand je m’ennuie ou encore, regarder un autre épisode d’une série sur Netflix quand je suis « trop fatigué pour aller au lit ».
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Chasta DOUCHARD
Ambassadrice de PEPA Education Agency