Discrimination positive, entre doute et réalité

La « discrimination positive » est un principe : il s’agit d’instituer des inégalités pour promouvoir l’égalité, en privilégiant certaines personnes. Nous espérons ainsi restaurer une égalité des chances compromise par deux phénomènes : la généralisation ou la persistance de pratiques racistes ou sexistes d’une part, et une accentuation des inégalités socio-économiques d’autre part. Selon que l’on se trouve dans le premier ou le second cas, la mise en œuvre des politiques de discrimination positive suivra deux logiques très différentes ; lorsqu’il s’agit de réduire les pratiques racistes ou sexistes, cela nécessitera la définition d’une « population cible » basée sur des traits innés et indélébiles appartenant à l’identité de l’individu ; en revanche, lorsqu’il s’agit de réduire les inégalités socio-économiques, la définition des bénéficiaires passera par le critère de leur situation socio-économique. Il existe donc deux formes de discrimination positive qu’il ne faut pas confondre.

La discrimination positive a été créée aux États-Unis à la fin des années 1960, non seulement en faveur des descendants d’esclaves, mais aussi pour tous les citoyens discriminés en raison de leur sexe ou de leur origine ethnique. Les trois domaines d’application du système sont l’emploi, la passation des marchés publics et l’admission dans les établissements d’enseignement supérieur sélectif.

Le premier à utiliser l’expression action positive fut le président américain John Fitzgerald Kennedy ; il a ensuite été repris par son successeur, Lyndon B. Johnson. Leur idée était que, malgré la promulgation de lois en faveur de l’égalité, les Noirs seraient toujours à la traîne par rapport au reste de la population américaine. L’objectif était de faire en sorte que les Noirs soient davantage représentés dans les emplois qualifiés, les universités, les médias, etc.

A partir des années 1960, des emplois préférentiels se mettent en place. Mais il ne s’agit en aucun cas d’une politique de quotas : en 2003, la Cour suprême a condamné le principe des quotas comme contraire à l’égalité devant la loi et à la libre concurrence. Les résultats aux États-Unis sont mitigés : en 1960, 13 % des Noirs appartenaient aux classes moyennes, ils étaient 66 % en 2000 ; cependant, des études récentes montrent également que les Noirs sont cinq fois moins riches que les Blancs en moyenne et que cet écart s’est creusé au cours du dernier quart de siècle.

Ce type de politique a également été appliqué en Europe par la suite, notamment en France dès le début du XXIe siècle : depuis la rentrée 2000-2001, des conventions entre les établissements des zones d’éducation prioritaire (ZEP) et l’Institut d’études politiques de Paris permettent lycéens issus de cités défavorisées à intégrer l’institut sans avoir à passer le concours commun d’entrée.

Pour certains, une politique de discrimination positive est justifiée, car elle permettrait d’égaliser la perception de la légitimité de tel ou tel groupe à occuper n’importe quel poste ou niveau social, et donc de mettre fin à terme à la préjugés qui entretiennent l’exclusion sociale. Ils soulignent que ces lois sont un moyen, qu’elles sont donc éphémères et ne font pas partie des lois de la société idéale.

D’autres critiquent ces mesures, qu’ils jugent stigmatisantes envers les catégories qu’ils entendent promouvoir et donc inefficaces pour mettre fin aux préjugés, et discriminatoires envers le groupe considéré comme dominant et qui se trouve défavorisé par les mesures de discrimination.

Certaines de ces critiques au 21e siècle ne concernent peut-être pas l’action positive elle-même, mais les acteurs potentiels dans la mise en place de nouvelles politiques et mesures d’atténuation. Comme arguments, ils pourraient considérer leur action comme trop agressive ou hors contexte, pouvant déjà accepter favorablement certains des modèles d’intégration en place au sein de la culture dite majoritaire. Pour eux, il semblerait que la polarisation excessive et sans nuances des débats conduirait à d’autres tensions sociales jugées inutiles voire nuisibles à l’acceptabilité des projets. Ainsi, ils pourraient considérer l’opposition systématique comme une menace potentielle et réticents aux alliances et échanges sociaux et ethnoculturels.

Impact sur la population favorisé par la discrimination positive

Discrimination dans l’éducation :

En Angleterre, les actions ont surtout été menées dans le domaine de l’éducation. En réservant des quotas d’inscription à l’université à une certaine catégorie de la population, il leur permet de mieux se former. L’éducation étant la base pour créer un avenir meilleur et s’intégrer dans la société. Ces populations ont donc plus confiance en l’avenir.

Discrimination dans l’emploi :

La création de quotas de recrutement permettrait à cette catégorie de se faire une place sur le marché du travail. De plus, cela permettrait de lutter contre la théorie qui veut que les capacités au travail soient liées au groupe d’appartenance. Cela permettrait aussi d’assurer une certaine visibilité à ces groupes et peut-être de contribuer à changer les mentalités.

Discrimination fiscale :

L’action fiscale est actuellement le moyen privilégié par l’Etat français. Elle permet de rentabiliser l’emploi des catégories défavorisées. L’employeur rationnel, qui cherche à maximiser ses profits, est donc incité à embaucher ces catégories.

Discrimination en politique :

En Inde, 24,5% des postes dans la fonction publique, les collèges et les universités sont réservés aux Intouchables. Cela leur a donné un poids politique en raison de leur nombre. Ainsi, dans l’Uttar Pradesh, le parti Bahujan Samaj, le parti politique des intouchables, est arrivé au pouvoir et y est resté un an et demi, permettant l’intégration de hauts fonctionnaires intouchables dans l’administration de l’État.

En fin de compte, la discrimination positive renverse le sens de la préférence accordée autrefois aux Blancs par rapport aux Noirs, ou aux hommes par rapport aux femmes. Mais elle maintient la logique de préférence. La balance qui pèse les droits et les mérites comprend toujours deux poids et deux mesures.

Recherche et rédaction : Géraldine Alcénat PÉPÉ