Ne lisez pas ce chapitre ! 

Hélas ! Vous avez quand même contourné l’interdit. Il n’est malheureusement plus possible de revenir en arrière maintenant puisque vous ne faites que glisser de plus en plus bas car votre désir de lire ce chapitre devient de plus en plus intense.

L’auteure vous en aura informés, mais de toute façon, bonne lecture ! 

McGONIGAL, Kelly. L’instinct de volonté : Comment renforcer votre persévérance et mettre fin à la procrastination pour atteindre enfin tous vos objectifs. 2013. Édition Guy Trédaniel. (p. 312-324)

Osons lire dix pages avec Ambassadrice Chasta DOUCHARD 

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Les limites du pouvoir de « ne pas faire » 

Nous étions en 1985, et la scène du crime était un laboratoire de psychologie à l’université Trinity, un petit établissement d’enseignement supérieur de lettres et sciences sociales à San Antonio, Texas. Dix-sept étudiants de premier cycle étaient rongés par une pensée qu’ils n’arrivaient pas à contrôler. Ils savaient que ce n’était pas bien – ils savaient qu’ils ne devraient pas y penser. Mais c’était tellement fascinant, bon sang ! Chaque fois qu’ils essayaient de fixer leur attention sur autre chose, la pensée ressurgissait avec force dans leur conscience. Ils ne pouvaient tout simplement pas penser à autre chose qu’aux ours blancs.

Les ours blancs étaient rarement un souci pour ces jeunes étudiants dont les préoccupations tournaient plutôt autour du sexe, des examens et de la déception du New Coke . Mais à ce moment-là, les ours blancs étaient pour eux le sujet irrésistible –  tout cela parce qu’on leur avait donné l’instruction : « Pour les cinq minutes qui viennent, essayez de ne pas penser aux ours blancs. » Ces étudiants étaient les premiers participants à une série d’études menées par Daniel Wegner, qui est aujourd’hui professeur de psychologie à l’université Harvard. Au début de sa carrière, Wegner était tombé sur une histoire à propos du romancier russe Léon Tolstoï. Alors qu’il était enfant, son frère plus âgé lui avait dit de s’asseoir dans un coin jusqu’à ce qu’il puisse arrêter de penser à un ours blanc. Quand il est revenu bien plus tard, il a trouvé le jeune Tolstoï toujours dans le coin, paralysé par son incapacité à cesser de penser à un ours blanc. À partir de là, Wegner a vite compris qu’il n’arrivait plus à se débarrasser de cette histoire et de la question qu’elle soulevait : pourquoi ne pouvons-nous pas contrôler nos pensées ?

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Wegner a mis sur pied une expérience presque identique au test de contrôle mental que Tolstoï avait fait dans son enfance :

Il a demandé aux participants de penser à tout ce qu’ils voulaient, sauf à un ours blanc. Cette consigne s’est avérée difficile à appliquer pour la plupart des participants, si l’on en croit la transcription partielle, ci-après, de ce qu’une femme pensait tout haut :

J’essaie de penser à un million de choses pour me forcer à penser à autre chose qu’à un ours blanc et je n’arrête pas d’y penser, encore et encore et encore. Alors… euh, oh ! Regarde ce mur marron. J’ai l’impression qu’à chaque fois que j’essaie de ne pas penser à un ours blanc, j’y pense quand même.

Et ainsi de suite, avec peu de variations, pendant quinze minutes.

L’incapacité d’arrêter de penser à des ours blancs ne vous apparaît peut-être pas comme le pire des échecs de la volonté.

Mais comme nous le verrons, le problème de l’interdiction s’étend à toute pensée qu’on essaie de proscrire. Les dernières recherches en matière d’anxiété, de dépression, de régime et d’addiction le confirment toutes : le pouvoir de « ne pas faire » est lamentablement voué à l’échec quand il s’applique au monde des pensées et des sentiments internes. Dans ce monde intérieur, nous allons découvrir qu’il nous faut une nouvelle définition du self-control – une qui nous permette de relâcher notre self-control.

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N’EST-CE PAS IRONIQUE ?

Wegner a réitéré son expérience de pensée avec d’autres étudiants, et quand eux aussi sont devenus obsédés par les ours, il a interdit d’autres pensées. Chaque fois, le simple fait d’essayer de ne pas penser à quelque chose déclenchait un effet paradoxal : les gens pensaient à cette chose plus que lorsqu’ils n’essayaient pas de contrôler leurs pensées, et même plus que quand ils essayaient volontairement d’y penser. L’effet était particulièrement flagrant quand les gens étaient déjà stressés, fatigués ou distraits. Wegner a surnommé cet effet le rebond ironique. Vous repoussez une pensée et – VLAN ! – la voilà qui revient telle un boomerang.

Le rebond ironique explique de nombreuses frustrations modernes : l’insomniaque – qui se sent d’autant plus éveillé qu’il essaie de s’endormir ; la personne au régime – qui bannit les féculents et se retrouve à rêver de pain et de whoopies ;

Enfin l’éternel inquiet qui essaie de refouler son anxiété et se retrouve sans cesse à imaginer les pires désastres. Wegner a même montré qu’essayer de se forcer à ne pas penser à une amourette quand on est réveillé augmente la probabilité d’en rêver la nuit – plus que quand on songe intentionnellement à la personne de nos rêves. Cela contribue sans aucun doute à l’effet Roméo et Juliette – la tendance psychologique bien connue de désirer plus fortement quelqu’un quand une histoire d’amour est proscrite.

Wegner a trouvé la preuve d’effets ironiques quasiment à chaque fois qu’on essaie de supprimer un instinct. Le candidat à un poste qui veut tellement faire une bonne impression risque fort de laisser échapper la chose qui va faire grincer des dents le recruteur. Le conférencier qui essaie d’être politiquement correct active paradoxalement dans son esprit tous les clichés offensants. La personne qui veut absolument garder un secret se retrouve obligée de vendre la mèche. Le serveur qui fait tout son possible pour ne pas renverser son plateau a plus de risques de se retrouver avec de la sauce bolognaise sur sa chemise. Wegner attribue même à l’effet ironique (sans doute par indulgence) la découverte scientifique selon laquelle les hommes les plus homophobes ont les plus grandes érections lorsqu’ils regardent des films pornographiques homosexuels.

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POURQUOI ON NE PEUT PAS ARRIVER À SUPPRIMER UNE PENSÉE ?

Pourquoi le fait d’essayer d’éliminer une pensée ou une émotion déclenche-t-il un rebond ? Wegner soupçonne que c’est lié à la façon dont le cerveau traite la commande « ne pas penser à quelque chose ». Il divise la tâche en deux parties, qui activent deux systèmes du cerveau différents. Une partie de votre esprit va s’occuper de diriger votre attention vers n’importe quoi sauf la pensée interdite. C’est comme la femme dans la première étude de Wegner, qui essayait de ne pas penser à l’ours blanc –  « J’essaie de penser à un million de choses pour me forcer à penser à autre chose qu’à un ours blanc… oh ! Regarde ce mur marron. » Wegner appelle ce processus l’opérateur. L’opérateur dépend du système de self-control du cerveau et – comme toute forme de self-control recherché – requiert une bonne dose de ressources mentales et d’énergie. Une autre partie de votre esprit va s’occuper de trouver des preuves que vous pensez à ce à quoi vous ne voulez pas penser, ou que vous ressentez ou faites ce que vous ne voulez pas ressentir ou faire. C’est comme ce qu’observait cette jeune femme : « Je n’arrête pas d’y penser, encore et encore et encore. Chaque fois que j’essaie de ne pas penser à un ours blanc, j’y pense quand même. » Wegner appelle ce processus le moniteur. Contrairement à l’opérateur, le moniteur marche automatiquement et sans grand effort mental.

Dans le cerveau, le moniteur se rapproche plus du système automatique de détection d’une menace. Cela peut paraître positif – self-control automatique ! – jusqu’à ce que vous vous rendiez compte à quel point la coopération entre l’opérateur et le moniteur est critique. Si, pour une raison x, l’opérateur commence à s’essouffler, le moniteur va devenir un cauchemar pour le self-control.

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Dans les circonstances ordinaires, l’opérateur et le moniteur fonctionnent en parallèle. Imaginons que vous alliez au supermarché et que vous ayez décidé de ne pas vous laisser tenter par l’allée des biscuits. Pendant que l’opérateur essaie de canaliser, de prévoir et de contrôler votre comportement (« Je suis ici, au supermarché, pour acheter des céréales, rien de plus. Où est l’allée des céréales ? »), le moniteur scrute votre esprit et votre environnement et vous envoie des signaux d’avertissement (« Danger ! Danger ! Cookies dans l’allée 3 ! Tu adores les cookies ! Est-ce ton estomac que j’entends ? Alerte ! Alerte ! Méfie-toi des cookies ! Cookies cookies cookies ! »). Si vos ressources mentales sont élevées, l’opérateur peut mettre à profit l’hystérie du moniteur. Quand le moniteur signale des tentations possibles ou des pensées gênantes, l’opérateur entre en scène pour vous diriger vers vos objectifs et loin des ennuis. Mais si vos ressources mentales sont mises à l’épreuve – que ce soit par des sources de distraction, de la fatigue, du stress, de l’alcool, une maladie ou toute activité mentalement épuisante –, l’opérateur ne peut pas faire son travail. Le moniteur, au contraire, est comme le petit lapin Duracell. Il continue, et continue, et continue.

Un opérateur fatigué et un moniteur dynamisé créent un déséquilibre problématique dans le cerveau. Comme le moniteur recherche quelque chose d’interdit, il passe son temps à rappeler au cerveau ce qu’il recherche. Les neuroscientifiques ont montré que le cerveau traite l’information interdite juste en dehors de la pleine conscience. Résultat : vous êtes prédisposés à penser à ce à quoi vous voulez éviter de penser, ou à ressentir ou à faire ce que vous voulez éviter de ressentir ou de faire. Par conséquent, dès que vous franchissez l’allée des biscuits dans le supermarché, le moniteur se rappelle l’objectif de ne pas acheter de cookies, et il inonde votre esprit de Cookies cookies cookies !

Si l’opérateur n’a pas toute sa force pour contrecarrer le moniteur, c’est comme une tragédie shakespearienne à l’intérieur de votre cerveau. En essayant d’empêcher votre chute, le moniteur vous y mène directement.

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SI JE PENSE COMME ÇA, C’EST QUE CE DOIT ÊTRE VRAI 

Essayer de ne pas penser à quelque chose est la meilleure garantie que cette pensée ne sera jamais loin de votre esprit.

Cela engendre un deuxième problème : quand vous essayez de repousser une pensée et que cette pensée revient sans cesse à votre esprit, vous avez de plus grands risques de supposer qu’elle doit être juste. Sinon, pourquoi cette pensée reviendrait-elle sans arrêt à la charge ? Nous croyons que nos pensées sont une source importante d’information. Quand l’une d’elles revient sans cesse et est de plus en plus difficile à évacuer, il est naturel de supposer que ce doit être un message urgent auquel il faudrait prêter attention.

Ce préjugé cognitif semble être ancré dans le cerveau humain.

Nous estimons la probabilité ou la véracité de quelque chose en fonction de la facilité avec laquelle nous pouvons l’amener à notre esprit. Cela peut avoir des conséquences troublantes lorsque nous essayons de repousser un souci ou un désir. Ainsi, comme il est facile de se rappeler les derniers accidents d’avion relatés aux informations (notamment si l’on a peur en avion et qu’on est sur le point de remettre sa carte d’embarquement), on a tendance à surestimer la probabilité de se trouver dans un accident d’avion. D’ailleurs le risque est d’environ 1 sur 14 000 000, mais la plupart des gens pensent que ce risque est supérieur à celui de mourir de néphrite ou de septicémie – deux des dix plus importantes causes de mort aux États-Unis, mais des maladies qui ne viennent pas spontanément à l’esprit.

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Quel que soit le désir ou la peur que vous essayez de repousser, c’est précisément ce qui va s’imposer à votre esprit avec force. Wegner, le psychologue qui a découvert le rebond ironique, a reçu un coup de téléphone un jour d’une étudiante totalement désemparée qui ne pouvait pas arrêter de penser à l’idée de se suicider. Une pensée fugitive lui avait traversé le cerveau, puis y était restée au point que la jeune fille était maintenant convaincue qu’au fin fond d’elle-même, elle voulait se suicider. Sinon, pourquoi cette idée reviendrait-elle sans arrêt perturber ses pensées ? Elle a appelé Wegner au secours – peut-être le seul psychologue de sa connaissance. Mais n’oubliez pas ceci : Wegner est un psychologue scientifique, et non un psychothérapeute. Il n’est pas formé pour dissuader les gens de sauter d’un appui de fenêtre ou pour essayer de déchiffrer les coins sombres de leur cerveau. Alors il a parlé à l’étudiante de ce qu’il connaissait : les ours blancs. Il lui a raconté ses expériences, et lui a expliqué que plus on essaie de repousser une pensée, plus il y a de risques que cette pensée revienne à la conscience. Cela ne veut pas dire que la pensée est vraie ou importante. L’étudiante s’est sentie soulagée de comprendre que la façon dont elle avait réagi à la pensée du suicide en avait renforcé l’idée – mais que cela ne voulait pas dire qu’elle voulait réellement se tuer.

Pour vous, c’est peut-être la pensée que celui que vous aimez vient d’avoir un accident de voiture. Ou la pensée qu’un pot de glace caramel-chocolat est la seule chose qui apaisera votre stress. Si vous paniquez et repoussez cette pensée, elle va revenir. Et quand elle reviendra, ce sera avec plus de vigueur.

Parce que vous essayez de ne pas y penser, le fait qu’elle revienne vous paraît encore plus lourd de sens. C’est pourquoi vous avez plus tendance à croire qu’elle est vraie. Celui qui se fait du souci se fait encore plus de souci, et celle qui ne rêve que de la glace sort sa cuillère.

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ÉVITER LE REBOND IRONIQUE 

Comment pouvez-vous sortir de ce dilemme déconcertant ?

Wegner suggère un antidote au rebond ironique qui est lui-même ironique : abandonnez. Lorsque vous cessez d’essayer de contrôler des pensées ou des émotions non désirées, elles cessent de vous contrôler. Quand on étudie l’activation du cerveau, on constate que dès que l’on donne aux participants l’autorisation d’exprimer une pensée qu’ils essayaient de supprimer, cette pensée devient moins primordiale et elle a moins tendance à s’imposer à la pleine conscience. Paradoxalement, l’autorisation de penser à quelque chose réduit la probabilité d’y penser.

Cette solution s’avère utile pour une gamme étonnamment large d’expériences intérieures non désirées. L’envie de penser à ce que vous pensez et de ressentir ce que vous ressentez – sans forcément croire que c’est vrai ni vous sentir obligé d’agir en conséquence – est une stratégie efficace pour traiter l’anxiété, la dépression, les envies alimentaires et l’addiction. Nous allons examiner les preuves pour chacun de ces cas ; cela nous permettra de prendre conscience que le fait de lâcher le contrôle de nos expériences intérieures nous donne un plus grand contrôle de nos actions extérieures.

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JE NE VEUX PAS ME SENTIR COMME ÇA 

Essayer de ne pas avoir de pensées tristes peut-il rendre les gens déprimés ? Ce n’est pas aussi tiré par les cheveux que ce qu’on pourrait croire. Des études montrent que plus vous essayez de supprimer des pensées négatives, plus vous risquez de devenir déprimé. Plus les gens déprimés essaient de refouler des pensées éprouvantes, plus ils dépriment. Une des premières expériences de suppression de la pensée effectuée par Wegner a montré cet effet même sur des sujets en parfaite santé. Il a demandé à des gens soit de penser aux pires choses qui leur soient arrivées, soit de ne pas penser à ces choses. Quand les gens sont stressés ou préoccupés, essayer de ne pas penser à des choses tristes les rend encore plus tristes que quand ils essaient de se sentir tristes.

Avec une autre expérience, on a constaté que quand les gens essaient de repousser des pensées critiques à l’égard d’eux-mêmes (« Je ne suis qu’un raté », « Les gens me croient stupide »), leur estime de soi et leur humeur plongent plus vite que quand ils réfléchissent posément à ces pensées. Cela est vrai même lorsque les gens croient avoir réussi à repousser ces pensées négatives. Le rebond ironique les frappe à nouveau !

Essayer de supprimer l’anxiété a également l’effet inverse.

Par exemple, les gens qui essaient de ne pas penser à une procédure médicale douloureuse finissent par être plus anxieux et par avoir plus de pensées intrusives à propos de la douleur.

Les gens qui essaient de supprimer leur trac avant de parler en public ont non seulement plus d’anxiété, mais aussi un rythme cardiaque plus élevé (et donc plus de risques de cafouiller pendant leur discours). On peut essayer de repousser des pensées de notre esprit, mais le corps comprend le message quand même.

Et tout comme la tentative de supprimer des pensées tristes ou critiques à l’égard de soi-même aggrave la dépression, des études montrent que la suppression de pensée augmente les symptômes de trouble de l’anxiété graves comme le syndrome de stress post-traumatique et le trouble obsessionnel compulsif.

Ces découvertes peuvent être difficiles à saisir. Elles vont à l’encontre de tous les instincts que nous avons pour protéger notre esprit de pensées perturbantes. Que sommes-nous censés faire avec de telles pensées négatives si ce n’est nous en débarrasser ? Mais comme nous le verrons, si nous voulons nous éviter la souffrance mentale, nous devons faire la paix avec ces pensées, et non les repousser.

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IL Y A QUELQUE CHOSE QUI NE TOURNE PAS ROND CHEZ MOI 

Philippe Goldin est l’un des neuroscientifiques les plus ouverts que vous puissiez rencontrer. Je ne suis pas en train de dire que les intellos du cerveau ne sont pas sympathiques, mais la plupart ne serrent pas dans les bras avec chaleur celui ou celle qu’ils croisent dans le laboratoire. Goldin dirige le Clinically applied Affective Neuroscience Laboratory de l’université Stanford, qui est une façon compliquée de dire qu’il utilise ce qu’il connaît du cerveau pour aider des gens qui souffrent de dépression et d’anxiété – d’anxiété sociale en particulier. On pourrait croire qu’il est la dernière personne au monde à pouvoir s’intéresser au trouble de l’anxiété sociale, une forme invalidante de timidité, mais il s’est fait un nom à essayer de comprendre et de traiter ce trouble.

Les personnes qui s’inscrivent à ses études ne sont pas juste un petit peu nerveuses dans les situations sociales. La simple pensée de parler à des étrangers peut déclencher une attaque de panique. Vous savez, ce cauchemar au cours duquel vous vous rendez compte que vous êtes tout nu et que tout le monde vous montre du doigt et se tord de rire ? Eh bien, les gens qui souffrent de trouble de l’anxiété sociale ont l’impression de vivre ce cauchemar sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ils ont une peur constante de se mettre dans une situation embarrassante ou d’être jugés par les autres, et ils sont généralement leurs propres détracteurs les plus terribles. Ils souffrent souvent de dépression. La plupart évitent les situations – soirées, bains de foule, prises de parole en public – qui vont déclencher leur anxiété et leur doute d’eux-mêmes. Résultat : leur vie se rétrécit de plus en plus, et même les choses que la plupart des gens considèrent comme normales – assister à une réunion de travail, passer un coup de téléphone – peuvent prendre des proportions accablantes.

Goldin étudie ce qui se passe dans le cerveau des personnes qui souffrent d’anxiété sociale lorsqu’elles éprouvent de l’inquiétude. Il a découvert que ces gens ont plus de mal à contrôler leurs pensées qu’une personne lambda, et cela se voit au niveau de leur cerveau. Quand ils sont confrontés à une inquiétude – par exemple, quand ils imaginent être critiqués –, leur centre de stress surréagit. Quand Goldin leur demande de penser à autre chose, leur système de contrôle de l’attention est sous-activé. Pour reprendre la théorie du contrôle de la pensée de Wegner, c’est comme si leur « opérateur » était épuisé et ne pouvait pas éloigner leur cerveau de la source d’inquiétude. Cela expliquerait pourquoi les gens qui souffrent de troubles anxieux sont tellement consumés par leurs peurs – leurs tentatives de repousser leurs pensées sont particulièrement inefficaces.

La thérapie traditionnelle pour combattre le trouble de l’anxiété sociale tourne autour de l’idée de mettre au défi des pensées comme : « Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond chez moi » pour se débarrasser de l’anxiété. Cela n’a de sens que si vous croyez qu’essayer de ne pas penser à quelque chose marche. L’approche de Goldin est totalement différente. Il apprend à ceux qui souffrent du trouble de l’anxiété sociale à observer et à accepter leurs pensées et leurs sentiments – même les plus effrayant(e)s. Le but n’est pas qu’ils se débarrassent de leur anxiété et de leur doute d’eux-mêmes, mais qu’ils développent une confiance dans le fait qu’ils sont capables de faire face à ces pensées et à ces sentiments difficiles […].

Chasta DOUCHARD 

Ambassadrice de PEPA Education Agency